L’usage du numérique, devenu incontournable depuis déjà plusieurs années mais plus encore en cette période où le télétravail s’est presque généralisé, laisse ce qu’on appelle une “empreinte carbone numérique”. Des solutions comme la suppression des mails sont souvent évoquées pour faire un geste écoresponsable en faveur de la sauvegarde de la planète. Mais sont-elles réellement efficaces? N’est-il pas plutôt plus urgent de transformer nos habitudes de consommation de façon générale?
L’empreinte carbone numérique, c’est-à-dire l’impact environnemental de l’usage du numérique, représente quelque chose comme 2% du CO2 dans un pays comme la France. Selon le magazine économique Capital, le nombre d’abonnés revendiqués par Google pour son service de messagerie Gmail s’élève à 425 millions. Pour Yahoo, ce chiffre représente plus de 300 millions et pour Hotmail (Microsoft), 360 millions. Au total, ce sont 4,3 milliards d’individus qui disposaient d’une adresse mail en 2015, soit plus de la moitié de la population mondiale. Quant au bilan carbone laissé par un seul e-mail mesurant environ 1 Mo, il est de 275 grammes de CO2.
Par ailleurs, l’envoi d’un e-mail nécessite un passage par plusieurs data centers, tout comme son stockage. “Les systèmes sont dupliqués par sécurité, pour éviter que l’on ne puisse perdre ses mails si jamais un data center prenait feu par exemple, souligne dans une interview au Figaro Édouard Nattée Première, fondateur et CEO de Foxintelligence, plateforme de consumer intelligence sur le e-commerce. Cela consomme énormément d’énergie” et d’argent, puisque la pollution au sens large coûte chaque année 225 milliards de dollars! Un constat qui a soulevé l’idée chez certains entrepreneurs de créer des boîtes mail écologiques qui ne produisent aucune émission carbone, comme Ecomail par exemple.
Un impact pourtant “ridicule”
Pourtant, cette solution qui consisterait à supprimer ses e-mails n’est pas toujours envisagée comme étant la plus efficace. Du point de vue des conséquences sur le climat, les e-mails ont “un impact ridicule”. Pire, c’est même contre productif, selon une analyse chiffrée du Huffington Post. Il faut en effet d’abord comprendre ce qui pollue vraiment, sachant qu’on ne peut pas, en tant que consommateurs, agir sur tout ce que produisent les géants du numérique. Un ingénieur de recherche au CNRS explique en effet que supprimer ses mails surconsomme de l’énergie, car cela requiert de rester longtemps connecté. Il vaut donc mieux essayer de moins en envoyer. Par ailleurs, “il vaut mieux envoyer un mail que [de recourir à des applications comme] FaceTime”, indique le média français, qui souligne par ailleurs qu’il faut faire attention aux chiffres qui circulent parfois dans les médias: 30 minutes de Netflix rejetterait 1,5 kg de CO2, ce qui équivaudrait à plus de 6 km en voiture. Mais “la réalité est moins pire: cette estimation souvent citée est fausse”.
Un analyste de l’AIE (Agence internationale de l’énergie) cité par le HuffPost estime que la réalité pourrait être 60 fois plus faible, même si cette estimation est elle aussi contestée… Les chiffres sont, en fait, difficiles à obtenir. “Les estimations sont compliquées et dépendent de plein de choses: l’estimation de la production de l’électricité, ne peut pas être, par exemple, la même lorsqu’on parle du renouvelable ou du charbon! Et le smartphone lui-même, sans même être utilisé, consomme beaucoup d’énergie. Ici, le consommateur ne peut rien y changer. L’utilisation d’un ordinateur de travail produit 3 à 5 kg de CO2 sur une année en France. Mais sa fabrication et son cycle de vie, qui nécessitent manipulation de plusieurs matières premières, passage par des usines et des moyens de transport, etc., produisent une empreinte carbone qui serait de 10 à 500 kg de CO2, sans prendre en compte son utilisation.
Gestes simples
Toutefois, il est possible d’effectuer des gestes simples pour limiter l’empreinte environnementale générée par l’usage des mails. Il est recommandé par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), ces quelques mesures pratiques extrêmement simples.
1.Stocker en local
Comme indiqué plus haut, le stockage de messages sur les serveurs consomme de l’électricité. Dans le monde, les data centers consomment 1,5 % de l’électricité mondiale. Et ils sont majoritairement alimentés par des centrales au charbon, indique le site Arobase.org. Il est donc recommandé de stocker les informations reçues sur des disques durs ou en local, plutôt que sur des serveurs.
2.Nettoyer régulièrement sa boîte mail
Encore un geste très simple qui ne devrait nécessiter que quelques minutes de tri par semaine. Plus un courriel est conservé longtemps sur un serveur, plus son impact sur l’environnement est négatif. Pourquoi donc garder des messages dont vous n’aurez plus jamais besoin? Nettoyer régulièrement votre boîte de réception, en supprimant les spams et en vidant la corbeille, est un geste à la fois simple et écologique.
3.Limiter l’envoi des pièces jointes
Lorsqu’il est possible d’envoyer un lien plutôt qu’une pièce jointe, la taille du message sera logiquement réduite.
4.Envoi de mails à plusieurs destinataires: oui, mais avec modération!
Envoyer un mail à 10 destinataires multiplie par 4 l’impact sur le changement climatique, selon les calculs de l’ADEME. Essayez donc de ne pas multiplier inutilement le nombre de destinataires, en vous demandant simplement si chacun des destinataires que vous avez mis en copie a vraiment besoin de recevoir votre message.
5.Imprimer avec modération
C’est une évidence. Eviter d’utiliser l’imprimante, quand on le peut, permet d’économiser de l’encre, du papier et de l’électricité.