La technologie est souvent perçue comme exclusivement tournée vers le digital, les industries de pointe, ou encore les nano-sciences. La preuve en est qu’aux États-Unis, dans le discours annuel des présidents (tradition maintenue depuis 1790) aucun chef d’État n’a mentionné le mot “technologie” avant 1952.

Pourtant, la technologie existe depuis les premières traces de vie humaine et s’est souvent manifestée sous ses formes les plus primitives. Le terme technologie désignait alors les arts appliqués, mais sa définition évolue et englobe de plus en plus les avancées et changements qui affectent l’environnement autour de nous.

La technologie et ses changements affectent la société, ses cultures, ses traditions, mais surtout les trajectoires économiques, politiques et militaires d’une nation. C’est pour cela qu’il est intéressant de voir que les inventions crées il y a des millions d’années ont eu un effet domino sur les avancées technologiques de nos jours.

L’inventeur et futuriste Ray Kurzweil a écrit en 2005 dans son livre “The Singularity Is Near”: “L’accélération continue de la technologie est l’implication et le résultat inévitable de ce que j’appelle la loi des rendements accélérés, qui décrit l’accélération du rythme et la croissance exponentielle des produits d’un processus évolutif”.

Nous serions donc, selon les scientifiques, dans une ère où la technologie et l’invention seraient au service de l’évolution humaine. Pourtant, la réalité est plus complexe.

Premières avancées technologiques, premières découvertes

Les premières traces de la technologies remontent à pas moins de 2,5 millions d’années en arrière. Il s’agissait d’une invention des hominidés (Homo Habilis, Homo Erectus) qui ont confectionné les ancêtres des couteaux en taillant la pierre pour en faire des outils.

Bien que rudimentaires (marteaux, tranchoirs, couperets), ce qu’il en ressort c’est la faculté de l’homme à créer un objet pour accomplir certaines tâches, ce qui a démontré la particularité cognitive de l’espèce humaine.

Même si il ne s’agit pas de technologie, dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui, c’était bel et bien un tournant technologique car cela a permis aux aliments d’être plus digestes, d’éliminer les pathogènes, de se protéger des prédateurs, et donc de mener vers une certaine évolution de l’espèce humaine.

Mais c’est avec l’Homo Sapiens (l’ancêtre de l’homme) que cette technologie se peaufine et aboutit réellement. La sophistication de ces outils permettra de travailler de nouveaux matériaux (os, bois des cervidés..) et créent alors des objets que l’on utilise encore dans notre quotidien: hameçons, arcs, flèches, harpons, mortiers, pilons… Le prototype d’une lampe avait même été imaginé à l’époque avec une pierre évidée remplie de graisse animale, surplombée d’une mèche permettant de s’éclairer.

Il est donc évident, que bien que la technologie d’autrefois se manifeste d’une manière plus rudimentaire, moins détaillée, elle a ouvert la voie au perfectionnement des outils préhistoriques, à l’inventivité et à la création dans un but pratique et utile.

Tournant dans les années 1700

La période post Moyen-Âge est synonyme d’inventions révolutionnaires. En 1783, la montgolfière fait ses premiers essais, la conserve alimentaire est inventée, et le quotidien est simplifié.

Un des changements les plus conséquents appartient au secteur thermodynamique, avec les travaux de James Watt qui mènent les premières machines thermiques à transformer l’énergie issue de la combustion (bois, charbon) en énergie mécanique. Toutes ces inventions mèneront vers la Revolution Industrielle, qui elle conduira à la création de l’automobile, des chemins de fer, changeant considérablement les déplacements de millions de personnes.

Plus tard, l’électricité jouera un rôle prépondérant. Les travaux sur l’électromagnétisme durant la second moitié du 19ème siècle permettront à l’électricité d’être façonnée. C’est alors que la lampe a incandescence verra le jour, que la ville de Quebec sera équipée en électricité en 1885, et que Paris, la ville lumière verra ses terrasses étoilées pour la première fois.

L’électricité a aussi impacté la communication entre les personnes, avec la création de la télégraphie électrique. Dans les années 20, l’électricité a aussi facilité l’apparition de la télégraphie sans fil, ce qui permettra aux radios d’être crées, la BBC étant une des premières en 1922.

Technologie: les limites du progrès?

Nous pourrions encore souligner des inventions qui ont changé notre mode de vie, de production, de consommation. Néanmoins, nous arrivons à une ère où la technologie est tellement avancée que l’inventivité n’est plus exclusive aux génies créatifs ou à des scientifiques pour servir un certain but.

La menace la plus dangereuse est de prétendre que toutes ces avancées sont naturelles et servent toutes l’évolution humaine. Aucun processus naturel ne crée une brosse à cheveux “intelligente”, une bascule “intelligente” ou un préservatif “intelligent” ou un grille-pain compatible Bluetooth ou un assainisseur d’air connecté à Internet.

Il est donc plus que nécessaire de repenser le rapport à la technologie, en essayant de comprendre ce qui est réellement utile à l’évolution humaine étant donné que dans le cas contraire, des questions de surproduction, de gaspillage, apparaissent comme évidentes.

De plus, ceux qui dirigent de petites entreprises, qui cherchent à innover se trouvent dépassés par des conglomérats comme Facebook, Instagram, Amazon. Il y a un fossé grandissant entre ce que les utilisateurs pensent de la technologie qui les entoure et l’influence des entreprises sur leur consommation. Ces entreprises disent ne pas pouvoir stopper “l’évolution naturelle de la technologie”. Mais “l’évolution naturelle de la technologie” n’a jamais été quelque chose d’inné, et il est temps de se demander ce que signifie réellement le “progrès” et la technologie au sein de la vie humaine en repensant son rapport à la technologie.

Pour une technologie “saine” et à visage humain

Comme toutes avancées, la technologie a ses bons et ses mauvais côtés. Si l’on à tendance à trop se focaliser sur les mauvais côtés, il existe des personnes, organisations, entreprises qui souhaitent aujourd’hui changer le monde en promouvant et développant une technologie à visage humain qui bénéficiera à toute l’humanité, et les exemples ne manquent pas.

C’est le cas par exemple d’Open IA, une association devenue entreprise qui compte parmi ses créateurs Elon Musk (Tesla, SpaceX…) et Sam Altman (Y Combinator) et qui a pour but de développer une Intelligence Artificielle qui bénéficiera à toute l’humanité et dont la très grande majorité du travail et des recherches sont ouverts, gratuitement, au public sur Github, ce qui leur a permis d’attirer de très nombreux jeunes talents, soucieux de la question éthique. Même si depuis que Microsoft y a investi, les recherches ne sont plus publiques, Open IA jouit toujours d’une aura auprès de la communauté tech soucieuse d’un avenir plus éthique.

Mieux encore, aujourd’hui, le mouvement de la Low Tech touche de plus en plus de personnes. Ce concept, qui se veut l’opposé de la High-Tech a vu le jour dans les années 1960 comme un mouvement critique de celle-ci. A la fin des années 2000, plusieurs scientifiques ont recommencé à étudier ce sujet pour le mettre au goût du jour, comme l’a par exemple fait l’ingénieur Philippe Bihouix qui préconise l’usage de la Low-Tech pour mettre fin à l’épuisement des ressources naturelles.

Un “Low-Tech Lab“, un laboratoire regroupant activistes et scientifiques proposant en open-source des solutions Low-Tech. Celle-ci repose sur le fait qu’une technologie inutile ne sert à rien et doit pouvoir offrir des solutions à des “besoins essentiels” dans des secteurs spécifiques: l’énergie, l’alimentation, l’eau, la gestion des déchets, les matériaux de construction, l’habitat, les transports, l’hygiène ou la santé.

La Low-Tech doit également être durable, à savoir, “robuste, réparable, recyclable”. Elle doit être pensée “pour que son impact écologique et social soit optimal depuis la production, la distribution, l’usage et jusqu’à la fin de vie”.

Enfin, celle-ci doit être accessible: “à l’inverse des high-tech, son coût et sa complexité technique ne sont pas prohibitifs pour une large tranche de la population” explique le “Low-Tech Lab”.

En dépit des peurs suscités par la technologie, une version plus humaine et plus saine existe, et comme toute nouveauté, elle suscite de vives réactions, parfois même des fantasmes irréels. Il ne tient qu’à nous de mieux savoir l’appréhender et comme disait Montaigne: “Notre bien et notre mal ne tient qu’à nous”.