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Et si le réel n’existait plus?

Difficile d’imaginer un monde sans la réalité. Et pourtant, tendons-nous vers une économie basée sur le virtuel? Certains croient que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont en train de devenir des États – or, je pense que c’est un peu plus compliqué que cela. Ce sont surtout de nouveaux territoires qui sont progressivement, en phase de rendre les territoires physiques caducs.

La colonisation des serveurs

Les agences de publicité avaient des panneaux pour l’affichage urbain. Maintenant, elles ont des annonces sur les sites. Les journaux avaient du papier, maintenant ils ont des sites. L’information avait, auparavant la télévision et les radios, désormais elle à les réseaux sociaux et les médias du digital.

Les rayons des supermarchés et les vitrines des boutiques sont devenus des applications. Alors, à quoi servent nos rituels d’antan? Nos commerces de proximité? Notre bonne vieille épicerie du coin? À s’éviter des frais de livraison qui sont de plus en plus amoindris par le bas prix des produits?

Les GAFA sont en phase de colonisation. Et la stratégie est douce, car c’est une inondation des marchés sans agressivité, sans pouvoir politique, sans autoritarisme – mais juste la présentation de l’offre, telle une opposition entre la simplicité d’une commande, du télétravail et la distance et la complexité du “vieux monde” où il faut sortir de chez soi et faire des efforts considérables pour se procurer des choses.

Alors, ce n’est pas nous qui nous armons du digital mais c’est ce dernier qui nous colonise, qui nous impose doucement son mode de vie. Mais qu’en est-il de ses limites? Le territoire peut-il disparaître?

Un idylle ultra-libéral

Une mort des frontières? Vous imaginez? Jacques Attali en parle dans son ouvrage “Peut-on prédire l’avenir?” où il évoque même une gouvernance mondiale des GAFA. La difficulté de réguler la superpuissance de la technologie est déjà visible: la lutte de Bernie Sanders contre Amazon qui ne paie pas d’impôts car l’entreprise n’a pas une réelle traduction pratique de son modèle économique – c’est un intermédiaire entre des sociétés de livraison et de production. La lutte de Anne Hidalgo, maire de Paris, contre Airbnb, société de location rapide qui fait exploser les prix des logements de courte durée loués par la voie classique, les politiques n’ont plus de puissance car le modèle économique des GAFA et de ses cousins ne connaît ni frontières ni limites.

Ce dernier pourrait même être tenté de s’immiscer dans la souveraineté monétaire des États avec la cryptomonnaie. Les possibilités sont nombreuses, mais la lutte sera nouvelle. Il est indéniable que le digital deviendra le nouveau terrain mondial de l’économie, mais au sein de ce dernier, nous pouvons changer les choses.

Financer l’investissement public dans le digital pour créer des entreprises numériques étatiques, je l’évoquais déjà comme le techno-keynésianisme dans une précédente contribution pour Gomytech. C’est un moyen pour les États de conserver une part d’influence dans ce nouveau terrain. Car si l’on perd l’entièreté de l’activité économique au profit du digital, comment taxer? Comment contrôler? Comment financer les services publics?

Comment empêcher les territoires nationaux de ne pas devenir des zones exclusivement résidentielles? Si l’on ne veut pas devenir ultra-dépendant des GAFA, il faut former une génération capable de nationaliser cette question: car si la technologie est un nouveau territoire, les frontières ne sont pas encore dessinées. Et plusieurs pays sont en train de se protéger en s’y installant comme la Russie ou la Chine qui développent leurs propres réseaux sociaux et alternatives. Il serait clairement judicieux que les pays en voie de développement sautent sur l’occasion avant que le techno-capitalisme ne finisse par reproduire le même schéma de puissance que dans l’économie actuelle.

La nature à horreur d’un vide – et si une réalité s’éteint, une autre prend sa place. Nous sommes dans une phase transitoire où certains pays sont en train de s’y réfracter, d’autres en train de l’anticiper. À nous de choisir.

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